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RDC – Rwanda : Une paix sous contrainte ou une trahison diplomatique ?

Comment Washington a imposé un accord qui sacrifie justice et souveraineté

Le 27 juin dernier, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé à Washington un accord de paix présenté comme « historique ». Derrière les sourires officiels et les promesses de stabilité régionale se cache une réalité inquiétante : une paix imposée sous pression des Etats Unis d’Amérique, fondée sur le déni de justice, l’impunité et des intérêts économiques opaques

Un accord sous la menace : « Acceptez ou perdez notre soutien »

Selon plusieurs sources diplomatiques, cet accord a été conclu sous une pression directe de l’administration Trump. Objectif : offrir un « succès diplomatique » en Afrique centrale. Le message adressé à Kinshasa aurait été sans ambiguïté :

« Acceptez cet accord ou perdez notre soutien économique et militaire. »Parmi les voix les plus critiques, celle du Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix. Pour lui, cet accord signé sans consultation nationale « compromet gravement la souveraineté congolaise ».

Il dénonce :

  • La légitimation tacite de la présence militaire rwandaise sur le sol congolais.
  • L’absence de reconnaissance du Rwanda comme agresseur.
  • Des clauses économiques opaques, offrant à Kigali un accès privilégié aux minerais stratégiques congolais.

« On ne peut pas parler de paix quand on piétine la justice et la vérité », martèle Mukwege.

Une paix sans justice ni vérité ?

Le cœur du problème réside dans la nature même de l’accord. Celui-ci prévoit un cessez-le-feu, un engagement de non-agression et un mécanisme de coopération sécuritaire. Mais il ne mentionne à aucun moment le retrait des troupes rwandaises non déclarées, ni la restitution des territoires occupés dans le Nord-Kivu.

Plus grave encore, l’exploitation illégale du coltan, de l’or et du tantale par des groupes armés pro-rwandais et certaines multinationales proches du pouvoir de Kigali n’est pas abordée. Le Rwanda est toujours cité dans différents rapports de l’ONU, de 2000 à 2024 comme principal soutien des groupes armés dans l’Est de la RDC afin de sécuriser l’accès aux minerais stratégiques.

Jean-Baptiste Kasereka, analyste politique et enseignant à l’Université de Goma, souligne : “Nous avons une paix écrite sur papier, pendant que les civils meurent à Beni, Rutshuru et Masisi. L’accord ne règle pas la racine du problème : la convoitise des ressources congolaises.”

Des intérêts américains en coulisse

Le plus troublant reste l’implication d’intérêts économiques liés au cercle proche du présidentaméricain Donald Trump. Gentry Beach, président d’America First Global, ancien co-président financier de la campagne Trump de 2016, fait partie d’un consortium international qui négocie activement l’exploitation de la mine de coltan de Rubaya dans le Nord-Kivu une région toujours instable et en partie sous contrôle des milices.

Cette entreprise, selon des documents obtenus par un consortium de journalistes indépendants, aurait déjà signé des protocoles d’accord avec certains membres du gouvernement congolais, à la suite de la signature du traité de paix. Une manœuvre dénoncée par plusieurs ONG comme un “néocolonialisme économique sous couverture diplomatique”

Marie-Louise Kitenge, de la plateforme “Justice pour l’Est”, alerte : “C’est une opération économique masquée. On nous impose la paix, et pendant qu’on célèbre à Washington, des Américains liés à Trump obtiennent des droits miniers. C’est scandaleux.”

Silence et frustration du peuple congolaisDans les rues de Kinshasa, le sentiment est mêlé de colère et d’impuissance. Pour Emmanuel Mfumba 28 ans, étudiant : “On signe toujours des accords, mais nous, le peuple, on ne voit jamais la paix. À chaque fois c’est nous les sacrifiés, pendant qu’eux, là-haut, s’enrichissent.”

Même son de cloche à Goma, où Christelle Bahati, infirmière, s’indigne : “Ma famille vit dans la peur depuis des années. Mon oncle a été tué par un groupe armé pro-rwandais. Qui leur demandera des comptes ? Personne. Et maintenant, ce sont les Américains qui viennent faire main basse sur notre coltan. C’est révoltant.”

Une société civile en alerte

Plusieurs acteurs de la société civile ont dénoncé l’absence de consultation nationale avant la signature de l’accord, ainsi que la non-implication des communautés affectées par le conflit. La Voix du Congo, un collectif d’associations, a lancé une pétition exigeant la révision de l’accord, le retrait des troupes rwandaises et un audit complet de tous les contrats miniers signés après sa signature.

“Nous ne pouvons plus accepter que la RDC soit gérée comme un bien à vendre,” déclare Maître Christian Shango, avocat et défenseur des droits humains. “ Le peuple congolais est souverain, et aucun accord ne doit être signé sans son consentement. Les intérêts des multinationales, qu’elles soient américaines ou rwandaises, ne peuvent pas primer sur nos droits fondamentaux.”

“Nous nous fustigeons cet accord, car il y a des gens qui pensent que la paix véritable viendra de cet accord. Nous pensons que cet accord nous amènera le contraire de la paix, il y a bardage de nos minerais et nous fustigeons cela“. Rodriguez Mugobe Militant de la LUCHA

Une diplomatie à double vitesse

Pour de nombreux observateurs, l’attitude de Washington dans ce dossier renforce l’image d’une diplomatie ambiguë, centrée sur les intérêts américains, quitte à sacrifier la justice et la vérité. Le contraste est flagrant, une stratégie d’exploitation sous couvert de pacification.

“On ne peut pas parler de paix sans vérité, sans justice, et sans réparation,” insiste Jean-Baptiste Kasereka. “Et encore moins quand les mêmes acteurs qui imposent l’accord sont ceux qui viennent chercher des minerais juste après.”

Vers un sursaut citoyen ?

Pour de nombreux observateurs, cet accord n’est pas un jalon de paix mais un piège historique. Une paix sans justice est une bombe à retardement.

Il appartient désormais à la société civile, aux médias et à la jeunesse congolaise d’exiger :

  • Transparence sur les clauses économiques.
  • Justice pour les victimes.
  • Souveraineté sur les ressources.

L’accord entre la RDC et le Rwanda, bien qu’accueilli avec espoir par certains, apparaît pour d’autres comme une trahison des autorités orchestrée sous influence étrangère. Une paix sans justice est une paix fragile et souvent temporaire.

Jonas TSHIPADI

Jonas TSHIPADI

Journaliste, rédacteur chez congonet24.com, Fact-checker chez fact-checking.congonet24.com, producer à PRIMINFO TV et analyste de l'Africa Radio de Paris, résidant à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. Contact : +243900651686 Email : jonascipadi1@gmail.com

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