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États-Unis : quand la première démocratie se rend coupable de violations des droits humains

Washington/Kinshasa Alors que les États-Unis se posent en défenseurs universels de la liberté et de la démocratie, leur propre bilan en matière de droits humains révèle de graves contradictions. Deux scandales en particulier jettent une ombre sur cette réputation : l’exploitation forcée des détenus dans les prisons américaines et la responsabilité indirecte de l’Amérique dans l’exploitation des enfants congolais dans les mines de cobalt.

Le travail forcé derrière les barreaux

Un récent rapport révèle qu’environ 800 000 prisonniers américains sont contraints de travailler pour des salaires dérisoires, parfois inexistants. Dans des États comme l’Alabama ou le Texas, certains détenus reçoivent entre 0,13 $ et 0,52 $ de l’heure, quand d’autres ne touchent absolument rien. Jusquà 80 % de leurs maigres revenus peuvent être confisqués au titre de frais divers.

En 2021, ce travail a généré plus de deux milliards de dollars de revenus pour les États et près de 404 millions de dollars pour les prisons fédérales. Grâce à des programmes fédéraux, des multinationales comme Apple, PepsiCo ou Procter & Gamble ont eu recours à cette main-duvre.

Pour les ONG comme l’ACLU, il s’agit dune violation flagrante de la Convention 105 de lOIT, ratifiée par les États-Unis depuis plus de trente ans. C’est une forme moderne d’esclavage, institutionnalisée par l’État, dénoncent les militants.

Une dimension raciale inquiétante

La surreprésentation des Afro-Américains dans les prisons rend cette pratique encore plus problématique. Alors qu’ils représentent 13 % de la population américaine, ils constituent près de 38 % de la population carcérale.

Pour beaucoup, ce système rappelle le sinistre héritage du “convict leasing”, qui consistait, après l’abolition de l’esclavage, à incarcérer massivement les Noirs pour les louer comme main-d’œuvre aux entreprises. Aujourdhui encore, cette exploitation persiste, sous des formes modernisées.

Le cobalt congolais, un drame invisible

À plus de 11 000 kilomètres de Washington, en République démocratique du Congo, un autre scandale se déroule : l’exploitation d’enfants dans les mines de cobalt. Ce métal est essentiel à la fabrication des batteries de smartphones, ordinateurs et voitures électriques. La RDC, qui produit 70 % du cobalt mondial, est au cur de ce commerce.

Des milliers d’enfants, parfois âgés de 7 ans seulement, travaillent dans des mines artisanales, sans protection, exposés aux effondrements et aux poussières toxiques. L’organisation internationale du Travail estime que plus de 6 200 enfants ont été identifiés dans les mines en 2024. Leur rémunération dépasse rarement un dollar par jour.

Les géants américains pointés du doigt

Amnesty International et d’autres ONG ont établi des liens directs entre ces exploitations et de grandes entreprises américaines comme Apple, Tesla, Microsoft et Dell. En 2019, des familles congolaises ont porté plainte contre ces géants, accusés de complicité dans les mutilations et décès d’enfants mineurs.

Mais en mars 2024, la Cour d’appel du District de Columbia a rejeté l’affaire, estimant que les entreprises n’étaient que de simples acheteurs et ne pouvaient être tenues responsables des pratiques de leurs sous-traitants. Une décision largement critiquée, qui met en évidence les limites du système judiciaire américain face au poids des multinationales.

Un double visage

Ces deux réalités mettent en lumière une hypocrisie criante :

  • À l’intérieur, les États-Unis exploitent leurs propres détenus sous couvert de réinsertion.
  • À l’extérieur, leur consommation massive de cobalt contribue à la perpétuation de l’exploitation d’enfants congolais.

Dans les deux cas, ce sont les plus vulnérables qui paient le prix : prisonniers privés de droits et enfants contraints de travailler dans les mines.

Quelle crédibilité pour Washington ?

Si les États-Unis veulent réellement incarner les valeurs qu’ils revendiquent, ils doivent d’abord balayer devant leur porte. Cela passe par :

  • la reconnaissance des prisonniers comme des travailleurs à part entière, avec un salaire digne et une protection sociale ;
  • une transparence totale des chaînes d’approvisionnement, pour garantir qu’aucun produit américain ne repose sur le travail des enfants.

Sans ces réformes, la posture morale de Washington apparaîtra toujours comme une façade. Et les victimes continueront de souffrir dans lombre, quelles soient derrière les barreaux dune prison américaine ou au fond dune mine congolaise.

André Ndambi & Jonas TSHIPADI

Jonas TSHIPADI

Journaliste, reporter chez NUMERICO.CD (média dédié tech et numérique), rédacteur chez congonet24.com, analyste de l'Africa Radio de Paris, et Freelance, résidant à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. Contact : +243900651686 Email : jonascipadi1@gmail.com

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