RDC : Joseph Kabila rompt le silence et esquisse son retour politique
Après plusieurs années de silence, Joseph Kabila refait surface sur la scène politique et médiatique. Entre accusations de collusion avec des groupes armés et critiques contre la gouvernance de Félix Tshisekedi, l’ancien président réorganise son parti, le PPRD, et multiplie les consultations avec l’opposition. Son retour progressif laisse entrevoir une stratégie visant à peser sur les prochaines échéances électorales en RDC.

Après plusieurs années de discrétion, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, refait surface sur la scène médiatique et politique. Sa récente tribune dans le journal sud-africain Sunday Times, suivie d’une interview en Namibie, suscite de nombreuses interrogations. Pourquoi choisit-il ce moment pour s’exprimer ? Quelle est sa véritable intention ? Et surtout, pourquoi ne réside-t-il toujours pas en RDC ?
Un exil entre sécurité et études universitaires
Depuis son départ du pouvoir en 2019, Joseph Kabila a rarement pris la parole publiquement. Installé principalement en Afrique australe, notamment en Afrique du Sud, il se consacre, selon ses proches, à des études doctorales. Mais derrière cette posture académique se cacheraient aussi des raisons sécuritaires. L’ancien chef d’État, qui a quitté le pays dans un climat de tensions politiques, aurait exigé des garanties avant tout éventuel retour.
En RDC, son entourage affirme qu’il faisait face à des pressions politiques et à des restrictions pesant sur ses proches. Des accusations judiciaires et des tensions avec l’administration de Félix Tshisekedi auraient renforcé sa méfiance. Officiellement, son éloignement ne serait donc pas un exil politique, mais une précaution face à un climat jugé hostile.
Des accusations de collusion avec des groupes armés
Joseph Kabila reste une figure controversée. Le président Félix Tshisekedi et certains membres de son gouvernement l’accusent d’avoir des liens avec des groupes armés, notamment l’Alliance des Forces Congolaises (AFC/M23), mouvement rebelle soutenu par le Rwanda. Son entourage rejette ces accusations, dénonçant une manœuvre visant à ternir son image.
D’autres soupçons pèsent sur lui, notamment concernant des liens présumés avec la milice Mobondo, active dans l’ouest du pays. Le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), formation politique de Kabila, qualifie ces allégations de « purement politiques » et exige des preuves. Parallèlement, dans sa tribune au Sunday Times, Joseph Kabila critique ouvertement la gestion sécuritaire de Tshisekedi, mettant en garde contre une approche exclusivement militaire pour résoudre les conflits à l’est du pays.
Un retour progressif dans le jeu politique
Cette soudaine prise de parole ne semble pas anodine. Joseph Kabila se repositionne progressivement sur l’échiquier politique congolais. Il estime que Félix Tshisekedi a échoué dans plusieurs domaines, notamment en matière de sécurité et d’économie. À travers ses déclarations récentes, il pointe du doigt une dérive autoritaire du pouvoir en place et s’oppose fermement aux discussions sur une éventuelle révision constitutionnelle.
Mais au-delà des critiques, l’ancien président semble préparer un retour structuré. Son parti, le PPRD, traverse une phase de réorganisation. Le mois dernier, il a convoqué une réunion stratégique à Nairobi avec plusieurs anciens cadres de son régime. À Kinshasa, une autre rencontre a eu lieu sous la direction d’Aubin Minaku, ancien président de l’Assemblée nationale, désormais vice-président et intérimaire du parti. Une cellule d’analyse et de prospective a été mise en place pour définir une nouvelle feuille de route en vue des élections générales de 2028.
Des alliances en gestation avec d’autres opposants
Joseph Kabila ne se contente pas de réorganiser son camp politique. Il cherche aussi à élargir ses alliances. Depuis plusieurs mois, il multiplie les consultations avec d’autres figures de l’opposition. Son objectif serait de fédérer un front commun contre Tshisekedi, bien qu’aucun projet concret n’ait encore émergé de ces discussions.
Sa stratégie ne se limite pas à des réunions discrètes. Il envisage également de renforcer sa présence sur la scène publique, notamment à travers une communication plus active sur les réseaux sociaux. Cette évolution marque une volonté claire : ne plus rester en retrait et peser à nouveau dans le débat politique congolais.
Alors que la RDC traverse une période de fortes tensions, le retour de Joseph Kabila dans l’arène politique pourrait rebattre les cartes en vue des prochaines échéances électorales. Reste à savoir s’il parviendra à mobiliser suffisamment d’adhérents pour redevenir un acteur clé du paysage politique congolais.