
Dans une lettre ouverte publiée le samedi 5 juillet, Thomas Luhaka Losendjola, ancien ministre des Infrastructures, Transports et Voies de Communication (ITPR), s’est exprimé avec force sur les récentes négociations de paix entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Cet accord, signé à Washington, suscite des préoccupations majeures de la part de Luhaka, qui remet en question certaines décisions prises par le gouvernement congolais sous la direction de la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Wagner.
Luhaka commence sa lettre en rappelant la résolution 2773, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies en février 2025, qui avait demandé au Rwanda de retirer ses troupes de la RDC sans conditions préalables. Pour lui, cette résolution représentait une victoire diplomatique importante pour la RDC.
« Après ce succès à New York, j’étais convaincu que l’objectif principal à atteindre était de faire appliquer cette résolution », écrit-il.
Cependant, l’ancien ministre déplore un revirement stratégique, affirmant que l’accord de paix signé à Washington conditionne désormais le retrait des troupes rwandaises à la neutralisation des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) par la RDC, ce qui, selon lui, constitue une révision décevante des engagements antérieurs.
Luhaka ne cache pas sa déception face à ce qu’il qualifie de « bradage » de la victoire diplomatique obtenue à l’ONU. Il dénonce ce qu’il perçoit comme une banalisation de la résolution 2773 et un affaiblissement de la position de la RDC. En effet, la nouvelle condition du retrait rwandais, liée à l’élimination des FDLR, remet en cause l’application immédiate et inconditionnelle de la résolution de l’ONU.
Un autre point de friction souligné par Luhaka concerne la complexité du plan harmonisé de Luanda, intégré dans l’accord de Washington. Ce plan lie le retrait des troupes rwandaises à la lutte contre les FDLR. Luhaka s’inquiète des implications de cette clause. Il rappelle que les FDLR sont une organisation complexe et fragmentée, et qu’il serait irréaliste de croire qu’ils pourraient être neutralisés rapidement.
« Combattre les FDLR prendra probablement beaucoup plus de temps que celui nécessaire pour que l’armée rwandaise se retire », avertit-il.
Il s’interroge ainsi sur le risque que cette condition puisse entraîner un prolongement indéfini de la présence rwandaise sur le sol congolais.
La formulation du chapitre 3 de l’accord, qui stipule la fin irréversible et vérifiable du soutien de la RDC aux FDLR, est également un point de discorde pour Luhaka. Selon lui, cette clause pourrait être interprétée comme un aveu implicite de la collaboration entre Kinshasa et les FDLR, une accusation systématiquement niée par les autorités congolaises. Luhaka se demande si ce compromis ne sert pas à légitimer la position du Rwanda dans le conflit, en plaçant la RDC dans une position défensive vis-à-vis des FDLR.
Enfin, l’ex-ministre critique la participation des partenaires internationaux, notamment les États-Unis, dans le processus de paix. Il cite un passage de l’accord, le point 7 alinéa 3, qui stipule que l’accord ne crée aucune obligation pour les États non parties siégeant au Comité de surveillance conjointe. Cette formulation, selon lui, affaiblit l’engagement réel de Washington et d’autres acteurs internationaux, réduisant leur rôle à une simple observation sans véritable pouvoir décisionnel.