
À Beni, chef-lieu provisoire du Nord-Kivu, les agents du Programme de Désarmement, Démobilisation et Relèvement Communautaire et de Stabilisation (P-DDRCS) vivent un véritable calvaire. Exposés aux intempéries et dormant à la belle étoile, ils observent leur 25ᵉ jour de sit-in devant le bureau du programme pour réclamer le paiement de 35 mois de salaires impayés.
Selon les grévistes, cette situation plonge leurs familles dans la détresse : les enfants sont parfois refoulés de l’école et leur éducation compromise. Les parents craignent de rentrer chez eux « mains vides », incapables d’assumer leurs responsabilités familiales.
Jeudi 25 septembre 2025, à 6h40, Patrick Kiyana, agent du P-DDRCS à l’antenne territoriale de Beni, se réveille, nostalgique après une 25ᵉ nuit passée loin de sa femme et de ses cinq enfants.
« Comment puis-je revenir chez moi après tout ce temps ? Quand j’ai été nommé à ce poste, c’était une grande joie pour ma famille. Mais après 35 mois, nous n’avons toujours rien perçu. Je me sens devenu irresponsable », confie-t-il, le regard empli de déception.
Les manifestants passent la journée autour du feu, se remémorant le jour de leur nomination au programme, directement rattaché à la présidence de la République.
Kambale Pirisi, un autre agent, s’interroge : « Comment un personnel attaché à la présidence peut-il être ainsi abandonné ? Nous n’avons jamais reçu un franc congolais. À la maison, on nous traite d’inutiles. En ville, nous sommes ignorés, avec des dettes partout. C’est un vrai calvaire. »
Certains agents ont même été pris en otage par des groupes armés pendant l’exercice de leurs fonctions, enfermés dans des fosses et relâchés trois jours plus tard. D’après leurs témoignages, ils utilisaient leurs propres moyens, motos et véhicules, pour effectuer le travail de terrain.
« Depuis le début, nous finançons nous-mêmes nos missions. Plusieurs ex-combattants ont été désarmés grâce à nos efforts, souvent au prix de dettes personnelles. Nous ne gardons que l’espoir », ajoute Kambale Pirisi.
De son côté, la coordination nationale du P-DDRCS a, dans un communiqué publié à la mi-septembre, annoncé le lancement du contrôle administratif et de l’identification des agents avant toute autre procédure. Une annonce perçue par les grévistes comme une tentative de diversion, laissant penser que leur mouvement est ignoré par la coordination.
Jonas TSHIPADI