
Un nouveau visage prend les rênes de la médiation africaine pour tenter de mettre fin à l’interminable conflit qui ronge l’est de la République démocratique du Congo. L’Union africaine a officiellement confié cette mission délicate au président togolais Faure Gnassingbé, en remplacement de son homologue angolais Joao Lourenço, dont les efforts n’ont pas permis d’instaurer une paix durable dans la région.
Alors que le Togo garde pour l’instant le silence officiel sur cette nomination, le ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey, a salué « la marque de confiance de l’Union africaine », affirmant que le président togolais s’investira pleinement dans la recherche d’une solution pérenne pour la région des Grands Lacs. Selon lui, Faure Gnassingbé entend jouer un rôle déterminant dans la réconciliation entre les parties en conflit, en favorisant le dialogue et en misant sur la diplomatie de proximité.
Pourtant, cette nomination ne fait pas l’unanimité. Sur la scène politique togolaise, plusieurs voix s’élèvent pour contester la légitimité du chef de l’État à mener une telle mission. Une quinzaine d’organisations de la société civile dénoncent un manque de crédibilité, pointant du doigt un déficit démocratique au Togo. Louis Rodolphe Attiogbé, figure du mouvement Novation Internationale, s’interroge : « Comment un président qui peine à instaurer la démocratie chez lui peut-il incarner la paix ailleurs ? »
Le défi qui attend Faure Gnassingbé est immense. La complexité du dossier congolais, marqué par des décennies de violences, d’ingérences étrangères et de tensions ethniques, nécessite une approche innovante. Plusieurs tentatives de cessez-le-feu ont échoué ces dernières années, et la diplomatie menée jusqu’ici, notamment par le biais des initiatives de Luanda et de Nairobi, n’a pas permis de dépasser le stade des promesses.
L’un des enjeux majeurs pour le nouveau médiateur sera justement de rassembler ces différentes démarches, souvent concurrentes, afin de les rendre complémentaires. Une médiation morcelée risque d’affaiblir les efforts de paix. L’harmonisation des processus en cours apparaît donc comme une priorité stratégique.
Par ailleurs, un acteur inattendu s’est récemment invité dans le dossier : le Qatar. En toute discrétion, Doha a accueilli à la fin du mois de mars une rencontre inédite entre les présidents rwandais et congolais – une avancée diplomatique que l’Union africaine avait longtemps tentée en vain. Cette initiative, restée largement confidentielle, démontre la complexité du jeu diplomatique en Afrique centrale, où les canaux officiels cohabitent avec des initiatives plus discrètes, mais parfois plus efficaces.
Dans ce contexte, la médiation togolaise sera scrutée de près. Si elle parvient à rétablir la confiance entre les parties et à coordonner les efforts diplomatiques en présence, elle pourrait redonner un nouvel élan au processus de paix. À l’inverse, tout faux pas risquerait de renforcer la défiance et de prolonger encore un conflit qui a déjà causé des milliers de morts et déplacé des millions de civils.
Faure Gnassingbé, désormais au cœur d’un des dossiers les plus sensibles du continent, joue une partie diplomatique cruciale. Reste à savoir s’il saura convaincre au-delà des frontières, là où son autorité nationale est déjà mise en doute.