
Bukavu – Ce qui n’était autrefois considéré que comme un phénomène marginal s’est révélé être une crise à grande échelle, l’exploitation minière illégale dans la province du Sud-Kivu dépasse toutes les estimations initiales, mettant à nu un réseau tentaculaire et largement hors de contrôle des autorités congolaises.
Lors d’une audition tenue le 2 avril dernier devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, a dressé un tableau pour le moins alarmant. Alors que les autorités locales évaluaient à 400 le nombre d’entreprises opérant en marge de la légalité, les enquêtes récentes menées sur le terrain révèlent une réalité autrement plus préoccupante, pas moins de 1 600 sociétés minières exercent dans l’ombre, sans permis d’exploitation, sans enregistrement officiel, et échappant totalement au paiement des taxes dues à l’État.
Selon le gouverneur, une part significative de ces compagnies serait détenue par des capitaux chinois, qui exploitent sans relâche les richesses du sous-sol congolais, notamment l’or, le coltan et les diamants. En réaction à cette prolifération anarchique, une suspension générale des activités minières a été décrétée en juillet 2024, dans le but de remettre de l’ordre et d’imposer une régularisation rigoureuse.Mais le problème ne s’arrête pas là. L’exportation des minerais suit des circuits majoritairement tournés vers le Moyen-Orient. À elle seule, la région de Dubaï et d’autres pays du Golfe reçoit environ 67 % des productions minières locales. L’Europe, quant à elle, n’en capte qu’une infime partie, estimée à moins de 2 %. Cette orientation vers des marchés plus permissifs pose la question du traçage des minerais et de leur contribution réelle à l’économie congolaise.
À l’intérieur même du pays, le cadre fiscal est pointé du doigt comme un obstacle majeur au développement du secteur formel. Le gouverneur a évoqué l’existence de plus de 1 400 taxes différentes pesant sur les opérateurs économiques, une réalité qu’il qualifie de « confiscatoire » et qui décourage les investissements légaux. En réponse, des réformes structurelles sont en cours, réduction du nombre de prélèvements, simplification des procédures administratives, et surtout, création d’un guichet unique pour centraliser les démarches commerciales et fiscales.
Face à une exploitation massive, souvent opérée dans l’impunité, la province du Sud-Kivu tente de reprendre le contrôle sur ses ressources naturelles. La régulation du secteur minier s’annonce comme un chantier de longue haleine, mais indispensable pour garantir à la population une redistribution plus équitable de la richesse issue du sous-sol congolais.