Jacob Shukuru : l’enseignant de Bunia qui fait de la poésie un souffle d’espoir (interview)

À Bunia, une ville de l’est de la République démocratique du Congo, où les blessures de l’histoire se mêlent à la vitalité d’un peuple en quête d’avenir, une voix se lève pour rappeler la puissance des mots. Cette voix, c’est celle de Jacob Shukuru, enseignant de mathématiques et poète. À travers son premier recueil dénommé « L’espoir, notre dernier refuge», il cherche à transmettre aux jeunes générations un message de résilience et d’espérance.

Tout commence dans son enfance. « Quand j’étais à l’école primaire, j’aimais beaucoup lire les contes, et nous nous les racontions toutes les nuits en famille », se souvient Jacob. Ces veillées, rythmées par les histoires et la tradition orale, ont éveillé en lui le goût des mots et l’envie d’exprimer ses émotions.
De ce terreau, il a gardé une conviction : la poésie peut être un espace de mémoire et de transformation.
Dire la douleur, mais choisir la lumière
Ses poèmes s’inspirent directement de son quotidien et de celui de son entourage. « Ce qui m’a motivé à écrire, c’est la souffrance que je vois, la résilience des gens et la nécessité de garder espoir malgré les difficultés », confie-t-il.
Dans l’un de ses textes, il écrit par exemple :
« Même lorsque la nuit s’abat sur nos villages,
une lampe vacille dans le cœur des hommes.
L’espoir n’est pas un luxe, il est une arme contre l’oubli. »
Pour Jacob, chaque vers est une manière de dire qu’au-delà de la douleur, il existe une route vers l’avenir.
Un recueil tourné vers la jeunesse
Son recueil explore des thèmes universels : la résilience, la quête d’identité, l’espérance. Mais son public cible est clair : la jeunesse congolaise. « Je veux parler aux jeunes générations, leur dire qu’elles portent en elles la force de bâtir un autre demain », explique-t-il.
Être enseignant a façonné son regard et sa plume. « Observer, écouter, comprendre les différentes expériences humaines… Cela m’aide à choisir mes mots », dit-il. Dans ses poèmes, on retrouve cette tonalité pédagogique, presque comme une leçon de vie.
Un autre poème l’illustre bien :
« À vous, enfants d’aujourd’hui,
je tends mes mots comme une main.
N’ayez pas peur de tomber,
car chaque chute apprend à marcher. »
La RDC et ses jeunes talents littéraires en quête de reconnaissance
Pourtant, derrière son optimisme se cache une inquiétude : la place de la poésie dans son pays. « Malheureusement, la RDC ne valorise pas toujours suffisamment ses jeunes talents littéraires. Il existe une richesse incroyable de créativité et d’intelligence parmi nos jeunes, mais ils manquent souvent de soutien », regrette-t-il.
Il plaide pour que la littérature soit davantage encouragée, car elle peut, selon lui, transformer les mentalités et offrir des modèles positifs dans une société confrontée à de nombreux défis.
Malgré les obstacles, Jacob Shukuru reste habité par une certitude : le pouvoir de la parole partagée. « Vos mots ont le pouvoir de toucher, d’inspirer et de transformer des vies. Ne laissez jamais le doute vous arrêter », conseille-t-il aux jeunes écrivains.

Et si ses poèmes rappellent la dureté de la vie, ils se terminent toujours par une fenêtre ouverte sur l’avenir. Comme il l’écrit dans l’un de ses textes :
« Nous sommes des graines jetées dans la poussière,
mais même la poussière peut devenir terre fertile. »
Par sa double casquette d’enseignant et de poète, Jacob Shukuru incarne cette conviction que la culture n’est pas un luxe, mais une nécessité. Dans une région marquée par les épreuves, il choisit les mots comme des remèdes et la poésie comme un souffle de vie.
Jonas TSHIPADI