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RDC : Les Charcutiers de Kinshasa face aux abus policiers

Quand les contrôles d’hygiène se transforment en intimidation.

Depuis quelque temps, les charcuteries de Kinshasa, en particulier celles situées dans la commune de Limete, se retrouvent au centre d’un tourbillon d’accusations et d’intimidations orchestrées par certaines brigades de la police judiciaire. Sous prétexte de vérifications d’hygiène ou de conformité, des descentes imprévues se multiplient, entraînant des tensions croissantes entre les producteurs locaux et les forces de l’ordre.

Des inspections soudaines et des accusations douteuses

Les charcutiers, qui s’efforcent de respecter les normes de production, se plaignent de pratiques abusives lors de ces contrôles. Ces visites, censées garantir la sécurité alimentaire, prennent souvent un tour inattendu. Certains agents accusent les producteurs d’utiliser des viandes jugées impropres à la consommation en République démocratique du Congo, comme celles de chiens, de chats ou encore de lézards. Une accusation qui, selon plusieurs témoignages, semble infondée et utilisée comme une stratégie pour forcer les propriétaires à payer des pots-de-vin.

Un charcutier de Kingabwa, qui a récemment été victime de ce type de contrôle, témoigne :

« Nous utilisons uniquement de la viande de bœuf ou de poulet pour fabriquer nos saucisses. Ces accusations de viande de chien ou de lézard sont absurdes. Combien de lézards faudrait-il capturer pour produire des milliers de saucisses chaque jour ? Nous avons refusé de céder à leur demande d’argent, et c’est ainsi qu’ils ont monté cette affaire contre nous. »

Des arrestations arbitraires et des rançons déguisées

Les producteurs dénoncent également la brutalité et l’arbitraire des forces de l’ordre. Lors de certaines descentes, des charcutiers se voient arrêtés sans explications, souvent après avoir tenté de demander des preuves des accusations portées contre eux.

Ces arrestations s’accompagnent parfois de violences physiques ou de menaces, comme l’explique un autre témoin de la 14e rue :

« Nous travaillions tranquillement lorsqu’un camion de police est arrivé. Certains d’entre nous ont pris peur et ont couru, mais ceux qui n’ont pas pu fuir ont été arrêtés. Ils n’ont donné aucune raison pour ces arrestations. Après avoir payé 500 dollars, ils ont libéré nos collègues, et nous avons pu reprendre nos activités. »

Selon les témoignages recueillis, le montant exigé pour obtenir la libération des personnes arrêtées varie de 100 à 500 dollars, selon les cas. Cette pratique, perçue comme une forme de rançon, plonge les producteurs dans une situation financière difficile, alors qu’ils peinent déjà à maintenir leurs activités face à la hausse des coûts de production.

Une méthode bien rodée

Les producteurs estiment que ces agents agissent en toute impunité, profitant du fait que leurs victimes n’ont ni les moyens ni les outils pour porter plainte. L’anonymat des agents impliqués rend également difficile toute tentative d’identification ou de recours légal.

Selon plusieurs charcutiers, ces descentes semblent bien organisées et ciblent particulièrement les entreprises qui refusent de céder à des demandes d’argent lors des précédents contrôles. En seulement quelques semaines, plus de cinq charcuteries ont été touchées par ces pratiques, notamment celles situées à Kingabwa, à la 14e rue et, plus récemment, à la 10e rue.

Une demande de justice

Face à cette situation, les charcutiers appellent les autorités compétentes à intervenir pour mettre fin à ces abus. Ils demandent des contrôles transparents et équitables, basés sur des preuves concrètes et non sur des accusations infondées.

Certains réclament également la création d’un mécanisme permettant d’identifier les agents impliqués dans ces pratiques et de porter plainte sans craindre de représailles.

En attendant, les producteurs continuent de travailler avec appréhension, redoutant chaque jour une nouvelle descente qui pourrait mettre en péril leur entreprise.

Ces pratiques, si elles ne sont pas rapidement endiguées, risquent de fragiliser encore davantage un secteur déjà confronté à de nombreux défis économiques et sanitaires. Pour ces artisans, il ne s’agit pas seulement de défendre leur gagne-pain, mais également de protéger leur réputation et de rétablir un climat de confiance entre les contrôleurs et les producteurs locaux.

Henry Fiti

Journaliste et développeur congolais, fondateur de Congonet 24. Passionné par l’information et la technologie, je m’engage à offrir une actualité fiable et accessible.

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