La Course à l’Intelligence Artificielle : Un Enjeu de Domination Mondiale (Rfi)
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Depuis l’apparition de ChatGPT en novembre 2022, les nations du monde entier se lancent dans une compétition effrénée pour dominer le secteur de l’intelligence artificielle (IA). Cette bataille dépasse les simples avancées technologiques ; elle incarne un véritable enjeu de pouvoir. À l’approche du Sommet mondial pour l’action sur l’IA qui se tiendra en France les 10 et 11 février, faisons le point sur cette dynamique.
Une Réaction Chinoise Surprenante
Le 20 janvier, la Chine a marqué les esprits en lançant un agent conversationnel gratuit, le « Deepseek-R1 ». Ce modèle d’IA générative, dont la puissance rivalise avec celle de ChatGPT, consomme cinquante fois moins d’énergie et coûte dix fois moins cher à entraîner. Cette avancée a provoqué une onde de choc à Wall Street, suscitant des comparaisons avec le « moment Spoutnik » de 1957, lorsque l’Union soviétique a lancé son premier satellite.
Les Réponses Américaines
Le lendemain, Donald Trump a dévoilé un ambitieux projet IA nommé « Stargate », prévoyant un investissement colossal de 500 milliards de dollars sur quatre ans. Ce plan vise à construire les infrastructures nécessaires pour soutenir la prochaine génération d’IA.
Des start-ups californiennes aux géants technologiques chinois, tous s’efforcent de réaliser des avancées significatives et de publier des travaux scientifiques. Comme le souligne Laure de Roucy-Rochegonde, directrice du Centre géopolitique des technologies à l’Ifri, cela rappelle les tensions de la guerre froide et de la conquête spatiale, où une nouvelle forme de conquête numérique se dessine.
Un Nouveau Rapport de Force
Le paysage international est désormais marqué par une conviction forte : la suprématie d’un pays dépend de sa capacité à mener dans le domaine de l’IA. Vladimir Poutine avait déjà affirmé en 2017 que le pays qui dominerait ce secteur contrôlerait le monde. Cette même année, la Chine a dévoilé un plan de développement ambitieux pour l’IA, avec un budget annuel prévu de 60 milliards de dollars d’ici 2025. Charles Thibout, chercheur à l’Iris, décrit cela comme une somme sans précédent.
En réponse, Washington tente de conserver son avance en interdisant l’exportation de puces électroniques essentielles au développement de l’IA. Cependant, l’arrivée de DeepSeek remet en question cette dynamique, démontrant que les innovations américaines peuvent être reproduites à moindre coût.
Lutte de l’Europe pour Rattraper son Retard
Malgré cette compétition intense, l’Europe peine à se positionner. Selon Charles Thibout, elle n’a jamais été un acteur majeur dans le domaine de l’IA. Les 43 milliards d’euros promis par le Chips Act pour 2030 semblent dérisoires face aux investissements réalisés par les États-Unis et la Chine, qui ont cumulé près de 700 milliards de dollars entre 2012 et 2023.
L’ironie réside dans le fait que l’Europe forme des talents de premier plan qui se retrouvent souvent à travailler pour des entreprises américaines, comme Yann Le Cun, directeur scientifique de l’IA chez Meta.
Néanmoins, l’Europe ne reste pas inactive. En 2021, elle a adopté l’AI Act, une législation pionnière qui établit un cadre juridique pour l’IA. Comme le note Laure de Roucy-Rochegonde, cette régulation peut également être perçue comme un levier compétitif, permettant de définir les règles du jeu.
Attirer les Investissements Étrangers
L’objectif de l’UE est aussi d’attirer des investissements étrangers. Charles Thibout souligne que la régulation pourrait ne pas entraver l’innovation. Au contraire, l’idée selon laquelle une régulation efficace favorise l’innovation est au cœur de la stratégie européenne.
En somme, la course à l’intelligence artificielle est bien plus qu’une simple compétition technologique ; elle est le reflet de luttes géopolitiques profondes et d’un nouvel ordre mondial en gestation.