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RDC–Rwanda : un accord de « paix » aux allures de pacte minier selon l’Oakland Institute

Un récent rapport de l’Oakland Institute, intitulé « Floués ! La ruée vers les minéraux critiques en RDC », remet en cause l’accord de « paix » signé en juin 2025 entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC), sous l’égide des États-Unis. Présenté par Donald Trump comme un tournant historique mettant fin à trois décennies de conflits dans la région des Grands Lacs, cet accord cacherait, selon le rapport, un agenda économique visant à pérenniser le pillage des ressources congolaises au profit d’intérêts étrangers.

« L’implication américaine en RDC a toujours poursuivi un objectif clair : garantir l’accès aux minéraux critiques », déclare Frédéric Mousseau, directeur des politiques à l’Oakland Institute et coauteur du rapport.

Le document souligne que cet accord intervient après des années de formation et de soutien militaire américain à divers groupes et armées dans la région, alors que le Rwanda et le M23 continuent d’étendre leur contrôle dans l’Est congolais. Pour l’Institut, l’accord actuel n’est pas une initiative de paix, mais un « accord gagnant-perdant » qui consolide la mainmise des intérêts miniers américains tout en récompensant Kigali pour son rôle dans le pillage des ressources congolaises.

Les auteurs rappellent que les exportations de tantale — un minerai issu du coltan — du Rwanda vers les États-Unis ont été multipliées par quinze entre 2013 et 2018, malgré la faible production nationale du pays. Cette envolée coïncide avec la première rébellion du M23 et le refus de Washington d’imposer des sanctions à Kigali. À l’époque, plus de la moitié du tantale importé par les États-Unis provenait du Rwanda, servant ainsi à blanchir les minerais de contrebande extraits en RDC.

Selon Andy Currier, coauteur du rapport, l’accord d’intégration régionale prévu dans le texte de « paix » institutionnaliserait ce système :

« Les Congolais continueront de payer les coûts humains et environnementaux de l’extraction, pendant que le Rwanda profitera de la transformation et de l’exportation des ressources de son voisin. »

Le rapport pointe également la présence controversée de James Kabarebe, ministre rwandais de l’Intégration régionale, récemment sanctionné par le Trésor américain pour son rôle présumé dans le financement du M23 et le trafic de minerais congolais.

Deux grands axes économiques seraient au cœur de cette nouvelle stratégie : le premier, plaçant le Rwanda comme plateforme d’exportation des minerais de l’Est congolais ; le second, axé sur la modernisation du corridor de Lobito, reliant le sud de la RDC à l’Atlantique via l’Angola. Ce projet est financé à hauteur de 553 millions de dollars par la Société américaine de financement du développement (DFC). Plusieurs compagnies américaines, soutenues par des personnalités influentes telles que Bill Gates et des proches de Donald Trump, négocient déjà des contrats miniers sur ces deux corridors.

« La paix véritable ne pourra exister que lorsque les Congolais eux-mêmes définiront leur avenir », insiste Maurice Carney, directeur exécutif de Friends of the Congo. « Sous l’impulsion des États-Unis, une nouvelle ère d’exploitation s’installe, tandis que les souffrances du peuple congolais se poursuivent. »

Malgré la signature de l’accord, les violences n’ont pas cessé : plus de 1 000 civils ont été tués dans les mois qui ont suivi. Le rapport de l’Oakland Institute confirme ainsi les craintes de la société civile congolaise : loin de favoriser la paix, l’accord viserait avant tout à sécuriser l’accès des multinationales aux richesses minières stratégiques de la RDC.

Exauce KAMANGU

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